Les éléments transposables : de l’appellation "ADN poubelle" à leur étude.

exemple d'effet des éléments transposables chez le maïs
créée par Sam Fen­tress (CC-BY-SA)

Les élé­ments trans­po­sables sont des séquences d'ADN mobiles dont l'existence à été mise en évi­dence par Bar­ba­ra McClin­tock dans les années 40 chez le maïs. Ces séquences sont pré­sentes dans toutes les branches de l'arbre du vivant et peuvent repré­sen­ter une grande par­tie du génome (envi­ron 40% du génome chez l'Homme et jusqu'à 90% chez le blé). L'universalité et la mobi­li­té de ces séquences accré­ditent l'idée que les élé­ments trans­po­sables jouent un rôle dans l'évolution et la plas­ti­ci­té des génomes, ce qui est prou­vé dans le maïs où un gène impli­qué dans la pig­men­ta­tion est dans cer­tains cas inhi­bé par un élé­ment trans­po­sable qui, lorsque il s'excise, donne un pig­ment vio­let au maïs.

En effet, les élé­ments trans­po­sables sont sou­vent consi­dé­rés comme égoïstes et ils ont une capa­ci­té de répli­ca­tion à l'intérieur du génome. Les élé­ments trans­po­sables ne sont pas des gènes indis­pen­sables à la sur­vie et leur trans­po­si­tion peut cau­ser de grands chan­ge­ments dans le génome. Ces séquences entre­tiennent des inter­ac­tions para­si­taires avec leur génome hôte, comme le com­men­sa­lisme ou le mutua­lisme. Ils peuvent par exemple, par­fois, trou­ver une fonc­tion utile à l'organisme hôte comme l'élément Tran­sib qui a été uti­li­sé pour le sys­tème immu­ni­taire adap­ta­tif chez les mam­mi­fères. D'autres exemples sont les élé­ments TART et HetA qui jouent le rôle de la télo­mé­rase en ne trans­po­sant que dans les télo­mères d'une espèce de dro­so­phile.

Cette courte intro­duc­tion ne vous laisse, je l'espère, aucun doute sur l'importance de ces élé­ments.

Je vais donc ten­ter de vous don­ner une méthode pour les trou­ver, une méthode pour les clas­ser, une méthode pour les ana­ly­ser et des ténèbres les sor­tir.

Classifier

représentation des mécanismes des 2 classes
Cré­dit image Thi­baut Payen (Licence Art Libre)

Il existe deux grandes classes d'éléments décrites. Dans les deux classes d'éléments le méca­nisme de trans­po­si­tion est très dif­fé­rent.

En effet les élé­ments de classe I ont un méca­nisme de trans­po­si­tion répli­ca­tive qui uti­lise un inter­mé­diaire ARN, lais­sant la copie ori­gi­nale en place et en ajou­tant une autre à un autre empla­ce­ment dans le génome selon un méca­nisme de "copier-col­ler" . Les élé­ments sont trans­crits en ARN. Ceux-ci sont alors rétro-trans­crits en ADN par une trans­crip­tase inverse. Les ADN sont ensuite réin­sé­rés dans le génome par une inté­grase.

Les élé­ments de classe II codent en géné­ral une trans­po­sase qui per­met un méca­nisme de "cou­per-col­ler", en exci­sant un élé­ment pré­sent à un empla­ce­ment don­né du génome pour l'insérer à un autre. Cette trans­po­sase tout comme les pro­téines des élé­ments de classe I se base sur la recon­nais­sance d'une par­tie de l'élément. Bien que la trans­po­si­tion des élé­ments de classe II ne soit pas répli­ca­tive, il existe des pro­ces­sus qui per­mettent l'amplification des copies (répa­ra­tion du site d'excision sur la base du chro­mo­some homo­logue, syn­chro­ni­sa­tion de la trans­po­si­tion avec la répli­ca­tion de l'ADN).

Pour en savoir plus sur la clas­si­fi­ca­tion : « A uni­fied clas­si­fi­ca­tion sys­tem for euka­ryo­tic trans­po­sable ele­ments », Wicker et al., Nature Reviews Gene­tics 8, 973–982 (Decem­ber 2007) doi:/10.1038/nrg2165-c3

Rechercher

Que ce soit dans un objec­tif d'étude ou pour les mas­quer afin d'étudier uni­que­ment les gènes il faut être capable de trou­ver ces élé­ments qui, comme nous venons de le voir, sont très dif­fé­rents les uns des autres.

La trans­po­si­tion répli­ca­tive aug­mente rapi­de­ment la quan­ti­té de copies pré­sentes dans le génome ce qui amène à la prin­ci­pale carac­té­ris­tique des élé­ments trans­po­sables, le fait qu'ils soient répé­tés en de nom­breuses copies dans le génome.

Deux grands types de méthodes existent donc pour cher­cher les élé­ments trans­po­sables. La pre­mière consiste à uti­li­ser une base de don­nées d'éléments ou de motifs déjà connus (cf para­graphe sui­vant), ce qui est très rapide mais laisse de coté tout nou­vel élé­ment ; la seconde quant à elle consiste à cher­cher les élé­ments répé­tés en de nom­breux exem­plaires dans le génome et pou­vant être asso­ciés à une famille, ce qui ne per­met de repé­rer dans un indi­vi­du que les familles ayant plu­sieurs copies conser­vées.

Pour en venir à la bio­in­for­ma­tique, il va de soi qu'il n'est pas pos­sible d'analyser des génomes entiers à la main. Des outils de recherche d'éléments existent donc depuis long­temps avec des logi­ciels tels que LTR_​Struc (2003) qui recherche spé­ci­fi­que­ment ou des logi­ciels plus géné­ra­listes uti­li­sant une méthode de novo comme Repet (2011).

Ces logi­ciels recherchent des motifs et servent donc à l'annotation des élé­ments trans­po­sables pré­sents dans les génomes.

Pour décou­vrir de façon plus pré­cise la recherche d'éléments répé­tés dans les génomes je vous conseille la lec­ture de « Consi­de­ring trans­po­sable ele­ment diver­si­fi­ca­tion in de novo anno­ta­tion approaches » Timo­thée Flutre et al., PLoS ONE 6  (Janua­ry 31, 2011) doi:10.1371/journal.pone.0016526

Stocker

Aus­si bien pour recher­cher les élé­ments trans­po­sables déjà ana­ly­sés que pour sto­cker les nou­veaux élé­ments trou­vés il faut des bases de don­nées. Les élé­ments trans­po­sables étant pré­sents dans tous les génomes il faut une base de don­nées géné­ra­liste. Rep­base est une base de don­nées gérée par un orga­nisme pri­vé (à but non lucra­tif) dont le but est le sto­ckage et l'analyse des élé­ments trans­po­sables. Cette base de don­nées est impor­tante pour les gens vou­lant savoir si les élé­ments trou­vés dans leur génome res­semblent à des élé­ments connus mais elle est aus­si et sur­tout uti­li­sée par les logi­ciels de recherche d'éléments.

Si vous avez envie de com­prendre com­ment fonc­tionne la base de don­nées et les outils asso­ciés je vous conseille de lire « Repeats in geno­mic DNA : mining and mea­ning. » Jur­ka, Curr. Opin. Struct. Biol. 8:333–337 (1998). (pub­med)

Masquer

CC

Pour de nom­breuses per­sonnes les élé­ments trans­po­sables sont juste des par­ties gênantes du génomes (que ce soit parce qu'ils repré­sentent une impor­tante masse de don­nées ne codant pas pour des fonc­tions ou parce qu'à cause de leur aspect répé­té ils posent pro­blème pour l'assemblage de génomes) et il est donc inté­res­sant de pou­voir les mas­quer. Des logi­ciels tels que Repeat­Mas­ker per­mettent ce genre de chose.

Ce logi­ciel fonc­tionne en trou­vant des zones qui sont répé­tées dans le génome, ou pour mas­quer les mini/­mi­cro-satel­lites en recher­chant des zones de faible com­plexi­té. Une fois ces zones trou­vées il retourne un génome mas­qué en rem­pla­çant les zones de faible inté­rêt par des X. Le génome résul­tant se retrouve net­toyé de ses élé­ments trans­po­sables et est plus facile à ana­ly­ser.

 Analyser

Cet article a pour but de faire décou­vrir des élé­ments qui, comme décrit en intro­duc­tion, ont une impor­tance pour expli­quer l'évolution des génomes. Des études ont donc été faites sur les élé­ments trans­po­sables.

Que peuvent-ils nous appor­ter comme infor­ma­tion ?

Les élé­ments trans­po­sables sont des fac­teurs impor­tants de plas­ti­ci­té du génome. Le génome peut être vu comme l'environnement et le pré­da­teur de ces élé­ments, qu'il tente d'éliminer. Les élé­ments trans­po­sables adoptent donc des fonc­tion­ne­ments assez simi­laires à ceux retrou­vés par les éco­lo­gistes pour les orga­nismes vivants que ce soit le para­si­tisme, le mutua­lisme ou le com­men­sa­lisme avec des élé­ments trans­po­sables qui s'insèrent dans d'autres élé­ments. Il est donc pos­sible de faire de nom­breuses études sur ces élé­ments de la même manière qu’elles sont menées sur les orga­nismes vivants, comme l'analyse de liens de paren­té ou de sur­vie.

Les élé­ments trans­po­sables peuvent éga­le­ment être étu­diés pour leur impact sur le génome comme par exemple dans un article de Ben­net­zen qui donne un aper­çu des élé­ments trans­po­sables comme vec­teurs de trans­lo­ca­tions, de régu­la­tion des gènes, d'inactivation. Toutes ces acti­vi­tés ont des consé­quences très impor­tantes pour le génome.

Pour une review des connais­sances sur les élé­ments trans­po­sables et leur lien avec le génome je vous conseille  « The struggle for life of the genome's sel­fish archi­tects », Hua-Van et al., Bio­lo­gy direct 6, 1745–6150 (2011) (pub­med)

Si vous vou­lez décou­vrir les impacts des élé­ments sur le génome vous pou­vez lire « Trans­po­sable ele­ment contri­bu­tions to plant gene and genome evo­lu­tion »,Ben­net­zen, Plant mole­cu­lar bio­lo­gy 42, 251–269 (2000) (pub­med)

Un petit plus

Dans les deux classes, on a décrit des élé­ments non-auto­nomes qui para­sitent une famille d'éléments auto­nomes asso­ciés. Ces élé­ments trans­posent mais ne pro­duisent pas leur propre machi­ne­rie de trans­po­si­tion. Chez les élé­ments de classe II il s'agit par exemple des MITEs. Ces élé­ments para­sites uti­lisent les trans­po­sases four­nies par ses copies pleines lon­gueur de la famille asso­ciée en ayant les mêmes séquences de recon­nais­sance.

Sur ce sujet je vous conseille « Minia­ture inver­ted-repeat trans­po­sable ele­ments (MITEs) and their rela­tion­ship with esta­bli­shed DNA trans­po­sons », Fes­chotte et al., Mobile DNA II, 1147–1158 (2002)




Pour continuer la lecture :


Commentaires

4 réponses à “Les éléments transposables : de l’appellation "ADN poubelle" à leur étude.”

  1. Un bon article, inté­res­sant et clair, et des refs mar­rantes ! Content que tu en aies un autre la semaine pro­chaine ! 😉

  2. Avatar de Madjid BESSOUL
    Madjid BESSOUL

    Et dire que le pro­jet ENCODE affirme que 80% du génome est "fonc­tion­nel"…

    1. Les élé­ments trans­po­sables, même s'ils peuvent paraître au pre­mier abord com­plè­te­ment inutiles, jouent un rôle impor­tant dans l'évolution.
      En effet, les ETs induisent ce que l'on appelle les Fra­me­shifts (déca­lage du cadre de lec­ture d'un gène) et donc par­ti­cipe à l’apparition de nou­veaux pro­duits de gènes.
      Il a aus­si été démon­tré que les ETs de la famille des Alu chez l'homme ont la capa­ci­té de "s'exoniser", fai­sant appa­raître de nou­veaux iso­formes.
      Et je ne parle même pas des ARN non-codant…

      Bref, les ETs apportent bien plus qu'on ne pour­rait pen­ser.

    2. Pour citer un com­men­taire sur le blog de MRR (http://​tout​se​pas​se​com​me​si​.cafe​-sciences​.org/​2​0​1​3​/​0​3​/​0​1​/​n​o​t​r​e​-​g​e​n​o​m​e​-​n​e​s​t​-​p​a​s​-​f​o​n​c​t​i​o​n​n​e​l​-​a​-​8​0​-​e​t​-​j​e​-​r​e​s​t​e​-​p​o​l​i​-​m​o​i​-​e​n​c​o​de/) la défi­ni­tion de fonc­tion­nel uti­li­sée par ENCODE est : « on n’a aucune idée de son uti­li­sa­bi­li­té, mais ça bouge quand on l’agite » ce qui est une défi­ni­tion très dif­fé­rente (et beau­coup plus large) de la défi­ni­tion habi­tuelle et donc ils trouvent des résul­tats très dif­fé­rents des autres études.

Laisser un commentaire