Les Journées Ouvertes Biologie, Informatique et Mathématiques (JOBIM) se sont tenues du 3 au 6 juillet 2012 à l'Université de Rennes 1 et plusieurs membres de Bioinfo-Fr y participaient. Nous avons donc souhaité vous faire partager cette conférence, d'une part sur Twitter via le hashtag #JOBIM2012 mais aussi sur notre blog. Afin de rendre la lecture de cet article agréable, nous n'avons pas mis toutes les références aux articles scientifiques. Nous vous invitons à vous rendre sur la page de JOBIM 2012 pour les retrouver.
Cet article est assez conséquent du fait des nombreuses informations le composant et nous espérons que cela ne vous rebutera pas pour ce qui est de sa lecture.
JOUR 1
Arrivés le matin dans le hall de l'université de Rennes 1, nous avons reçu une enveloppe contenant notre badge et notre invitation pour le repas de gala, puis un peu plus loin, un sac JOBIM2012… Le sac contenait les actes de la conférence et quelques brochures des entreprises présentes sur la conférence. Mais ! Quel est ce bruit ! Mais, mais oui ! Oui ! des caramels au beurre salé !!
Nous avons commencé par une session "Molécules et séquences" avec deux présentations autour des langages permettant de représenter les séquences. David B. Searls a d'abord dressé un panorama des types de grammaires et leurs utilisations. Ensuite, Catherine Belleannée nous a présenté LOGOL, un outil permettant d'exprimer de nombreux types de motifs de séquence avec contraintes. Puis, le serveur web SA-mot a été présenté par Leslie Regad. Cet outil propose d'analyser les boucles d'une structure 3D de protéines afin de voir si un site fonctionnel se cacherait dans celles-ci. Enfin, Marie Chabbert nous a présenté une méthode permettant d'étudier une famille de protéines et un package R. Si vous souhaitez l'essayer, bios2mds est disponible sur le CRAN.
Après un repas au restaurant universitaire, nous avons repris avec une présentation d'Eric Rivals sur la régulation génomique ainsi qu'un topo sur le futur Institut Français de Bioinformatique par Jean-François Gibrat : un projet de 20 millions d'euros, répondant à un appel d'offre national, fournissant une infrastructure informatique pour la génomique et un cloud national. On aurait aimé avoir un peu plus d'infos mais le temps passe vite… Peut-être un futur article à ce sujet.
Une session posters d'une heure et demie nous a permis de présenter nos travaux, d'une part à la communauté, mais aussi à nos collègues de Bioinfo-Fr. Nous avons ainsi pu faire plus ample connaissance et partager notre travail car beaucoup d'entre nous ne nous connaissions que sur internet.
La dernière partie de la journée se déroulait en 4 sessions parallèles.
Au cours de la session "Protein structure", nous avons en particulier apprécié la présentation d'Élodie Laine (ENS Cachan). Elle concernait le logiciel MONETA qui permet de retrouver comment les résidus propagent un changement de conformation d'un bout à l'autre d'une structure. Nous avons pu ainsi voir comment une mutation dans une boucle affecte la formation d'un feuillet 15 Å plus loin.
La session "High throughput sequencing" était très orientée entreprises. D'abord, Élodie Dubus (Ingenuity Systems) a présenté une manière d'annoter rapidement les variants de reséquençage humain. Ensuite Patricia Otten-Hernandez (Fasteris) a fait une introduction aux technologies Illumina avant de parler des informations importantes à extraire des données UHTS (Ultra High Throughput Sequencing). Enfin, Alain Meil (Korilog & Inria/IRISA GenScale Team) nous a présenté KLAST, un équivalent de BLAST, pensé pour aller vite avec la même précision et programmé pour le multicoeurs.
La journée s'est terminée par une réception à la mairie de Rennes, petits fours et punch, avant de partir pour une crêperie avec l'équipe Bioinfo-Fr présente à Rennes !!
JOUR 2
Après une bonne nuit de sommeil, nous avons retrouvé Ivo Hofacker pour une présentation des ARN, leurs structures, leurs interactions et de la cinétique de leur repliement. La session "Non-protein world" s'est poursuivie par la détection des ARN longs non-codants (lncRNA) chez le chien introduite par Christophe Hitte. Enfin, Maude Pupin nous a présenté une boîte à outil pour la découverte de peptides non-ribosomaux ainsi qu'une base de données les regroupant : NORINE.
Une deuxième session posters s'est déroulée avant de passer à l'assemblée générale de la SFBI. Plusieurs questions ont été soulevées, en particulier celle du recensement des contrats précaires dans la bioinformatique afin d'avoir des chiffres plus précis.
Après le repas, nous avons eu le droit à une des meilleures présentation de la conférence : Pierre Baldi sur l'apprentissage automatique en protéomique. La présentation est revenue sur un demi-siècle de recherche en apprentissage appliqué aux protéines, le tout particulièrement bien illustré. La session "Proteins and interactions" a continué avec Céline Brouard sur l'inférence d'un réseau d'interactions protéine-protéine et Marine Jeanmougin sur une amélioration de la signature des gènes. Nous avons terminé cette session par une présentation de Bioinfo-Fr. Elle est passée à la postérité grâce au talent d'orateur de Yoann Mouscaz, un de nos chers administrateurs, qui a réussi à déclencher des applaudissements avant la fin de son talk.
Enfin, nous sommes tous partis en bus pour St-Malo, la cité corsaire. L'ambiance était très détendue. Arrivés à destination et après un tour des remparts, nous sommes tous allés prendre un verre à la Java, petit bar renommé de St-Malo intra-muros. La soirée de gala se déroulait au Palais du Grand Large, dans une grande salle avec vue sur la mer, les remparts de St-Malo et le soleil couchant. Le repas était animé par le cercle celtique "les Perrières" ce qui a permis à presque toute la salle de se retrouver à danser accrochés par les petits doigts.
JOUR 3
Après une bonne courte nuit de sommeil, nous nous sommes retrouvés presque au complet pour la session "Evolution". La première conférence est présentée par Hugues Roest Crollius sur l'aspect historique des processus biologiques. À partir de la recherche de séquences ancestrales, il nous propose d'étudier l'apparition/disparition de certaines fonctions au sein d'un arbre phylogénétique.
Après une pause café, nous avons repris par une session "Systems biology" avec Denis Thieffry qui nous a parlé de GINsim, un outil permettant une modélisation du processus de décision cellulaire. La présentation de Pierre Blavy nous a permis de découvrir une méthode de détection des éléments-clé dans la régulation d'ensembles de gènes. Enfin, Andrès Aravena nous a présenté un raffinement des réseaux de régulation de transcription.
Le repas fut suivi d'une session "Algorithms for genomics" qui commença par une revue des algorithmes parallèles pour l'analyse des séquences biologiques. Bertil Schmidt a dressé un panorama des différents algorithmes et des différentes techniques de parallélisation. Nous avons pu en particulier voir l'utilisation des GPU sur l'alignement de séquences, avec une nette préférence pour CUDA par rapport à OpenCL. Bertil a également insisté sur le besoin d'adapter les algorithmes traditionnels afin de réussir à traiter les données NGS. Valentin Loux nous a ensuite présenté un jeu de test pour les méthodes d'assemblage par alignement sur un génome de référence. Un tel jeu de test n'existait pas et permet aujourd'hui de comparer les méthodes existantes. Enfin, Evguenia Kopylova nous a présenté SortMeRNA, un outil permettant de filtrer les ARNs pour réaliser ensuite des analyses de metatranscriptomique. Ce projet a utilisé les données recueillies par "TARA Oceans". La session s'est terminée sur la présentation de l'association JeBif par Anne-Laure Abraham.
La dernière partie de cette journée était séparée en trois sessions parallèles. Nous avons assisté à la session 9.A "Protein and genome structure" avec la présentation de CSA par Noël Malod-Dognin, un outil pour la comparaison de structures 3D des protéines. L'intérêt de cet outil est qu'il ne propose pas qu'une seule mesure de similarité structurale mais 5 mesures qu'on peut ensuite aisément comparer grâce à une représentation "en cible". La session s'est poursuivi par un outil d'extraction de motifs structuraux afin de classer différemment les structures de protéines et par une présentation très mathématique de Hafedh M. Babou sur la complexité de deux problèmes d'orientation de graphes.
Nous avons également assisté à la session 9.C au cours de laquelle Christophe Blanchet nous a présenté le projet de la plateforme française GRISBI qui regroupe six sites sur le territoire français (PRABI Lyon, GenOuest Rennes et Roscoff, CBiB Bordeaux, BIPS Strasbourg, CIB Lille, MIGALE Jouy-en-Josas). Sur le papier, tout était presque parfait : une collaboration sans faille entre les labos, du matériel de pointe, une architecture bien pensée. Malheureusement, nous sommes retombés de bien haut car nous sommes en France et les fonds ne se débloquent pas d'un claquement de doigts. Plusieurs points illogiques nous ont interpellé, en particulier le suivant : il s'agit d'un projet assez important (on pourrait même facilement dire prioritaire) mais très peu de contrats ont été ouverts et lorsqu'il y en a eu, il s'agissait de CDD. Ainsi, une personne embauchée fait son job, très bien même, mais lorsque le contrat arrive à son terme, on se doit de la remercier. Quid du futur ? Eh bien, on attendra de nouveaux fonds… Et on perdra du temps à former une nouvelle personne… Peut-on réellement avancer ainsi ? Peut-on rattraper les autres pays qui nous ont déjà bien dépassés ? Est-ce vraiment la bonne stratégie ? Il semble que non et il semble que tout le monde soit bien conscient de cela mais rien ne bouge… Nous espérons en tout cas que la création annoncée de l'IFB et ses 20 millions d'euros aideront à améliorer tout ça et à ancrer ce projet sur de vraies bases.
Le travail déjà fourni sur ce projet mérite d'être souligné, surtout vu le peu de moyens dont les acteurs principaux semblent avoir bénéficié. Ne perdez pas espoir, Rome ne s'est pas faite en un jour ! 🙂
Pour de plus amples informations : http://www.grisbio.fr/
Ensuite est venue la session des conférences dites industrielles. Panasas nous a présenté ses solutions de stockage et ce qu'elle peut amener à nos travaux de recherche.
On nous a informé que l'orateur prévu ne pourrait pas venir et que sa collègue allait donc le remplacer pour assurer la com'. On sent le mode "la rache" enclenchée. C'est osé et il faut respecter ça.
Beaucoup de solutions nous sont présentées, ce qui dérange un peu reste le coté "vous avez absolument besoin de nous". On se croirait un peu en train de regarder un JT : le présentateur a la voix grave, le monde va mal, on va tous y passer… Mais non car heureusement ils ont le remède ! Plus beau, plus high-tech, plus léché que les concurrents. Aucun prix énoncé sur le support visuel. On sent tout de même que l'oratrice n'est pas très à l'aise avec son sujet et qu'il y a des brèches. Nous pourrions nous y glisser dans la séance des questions mais par respect pour son courage à assumer cette conférence inattendue pour elle nous nous abstiendrons. Vous l'aurez compris, nous n'avons pas forcément été convaincus… Bien tenté quand même 🙂
La présentation de Nvidia était très attendue. L'orateur était très à l'aise et connaissait le sujet. Ce n'était pas un "simple" commercial… rassurant. Il semble que la firme ait bien anticipé le futur, à savoir l'utilisation de la puissance des GPU (dont nous avons parlé dans notre ancien article). Beaucoup de choses nous ont été présentées et sont assez impressionnantes. On peut, par exemple, citer le tout nouveau partenariat entre NVIDIA et l'université de Reims (premier partenariat français officiel) qui va pouvoir foncer sur le développement CUDA et se démarquer très vite des autres laboratoires aussi bien français qu'étrangers. Bien que ces dernières semaines NVIDIA et son CUDA aient été assez critiqués (lien ici pour les personnes vivants sur Mars), l'orateur n'était pas opposé à répondre à plusieurs de nos questions au sujet de l'OpenCL par exemple. Une ouverture d'esprit très appréciable et pas forcément attendue qui nous a beaucoup plu. Nous ne sommes pas rentrés dans le débat, ces choses regardant en premier lieu les principaux intéressés. Mais nous avons suivi tout ça avec beaucoup d'attention de notre place. Vous l'aurez compris, malgré le contexte qui ne leur est pas favorable en ce moment, NVIDIA nous a séduit et nous suivrons leur actualité avec beaucoup d'intérêt.
JOUR 4
La matinée du quatrième jour fut consacrée à l'évolution avec Toni Gabaldòn qui nous a proposé de revenir sur la phylogénétique et son évolution face aux quantités de données maintenant disponibles. En particulier, il propose de générer les arbres par morceaux pour lesquels nous avons une certaine "confiance" dans les données.
Après la pause café, Benjamin Linard nous a présenté son travail sur les EvoluCodes, une représentation visuelle et informatique de l'historique des gènes. Cette représentation permet de repérer "à l'œil" des gènes ayant la "même" histoire au cours de l'évolution. Un travail très intéressant qui a d'ailleurs tapé dans l'œil du jury des prix JOBIM. Christophe Hitte nous a ensuite présenté un outil permettant de détecter les régions sous pression sélective chez le chien domestique. En effet, chez le chien, chaque race peut être vue comme un isolat génétique avec une relation génotype-phénotype très intéressante. Nous avons terminé par GECA, un outil d'analyse de la conservation/évolution des gènes chez les eucaryotes. Enfin, nous avons assisté à la présentation de DE^CODAGE, un groupe de travail sur l'annotation de génome dont vous pourrez trouver le forum de discussion sur le site de la SFBI.
La matinée a fini en apothéose avec un repas typiquement Rennais : la galette-saucisse !
Les posters
112 posters ont été retenus cette année pour JOBIM. C'était assez impressionnant car les posters prenaient la moitié du grand hall des amphis de l'université. Les organisateurs ont volontairement organisé des sessions posters assez longues afin que chacun puisse discuter avec un maximum de personnes. N'oublions pas que JOBIM a été créé afin que les chercheurs se rencontrent et lancent des collaborations.
Les prix JOBIM 2012
Un jury avait la tâche d'élire le "meilleur" poster et la "meilleure" présentation parmi les travaux de jeunes chercheurs ou doctorants.
Le poster gagnant fut celui présentant le travail de Nicolas Maillet et son équipe. Bravo à eux. Ce nom vous rappellera peut-être quelque chose car Nicolas écrit ici sous le doux pseudo de Nico M. Encore bravo à lui ! Le Poster gagnant de Nico M.
C'est la présentation de Benjamin Linard de l'IGBMC qui a su séduire le jury de ces JOBIM 2012. Félicitations à lui et pour l'ensemble de son travail, il est vrai qu'il a d'autant plus de mérite que son talk était le vendredi matin durant la dernière session de présentations de la conférence. Il nous a présenté EvoluCode que vous pourrez découvrir ici en version article et ici pour ce qui est de la base de données en elle-même. Benjamin nous a contacté après notre présentation, donc avant qu'il soit récompensé, et semblait être intéressé pour parler un peu d'évolution sur Bioinfo-Fr. Benjamin, nous attendons de tes nouvelles 😉
Sur ces belles paroles et ces doux souvenirs nous rendons l'antenne et vous disons à l'année prochaine à Toulouse pour JOBIM2013 !
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