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De la nécessité d’une pratique collaborative en bioinformatique

Depuis l’avènement des algo­rithmes d’alignement de séquences jusqu’aux outils d’analyses de réseaux de pro­téines, la bio­in­for­ma­tique se cherche une défi­ni­tion et une place dans la science. Est-ce une dis­ci­pline ? Est-ce un outil ? Quelle for­ma­tion faut-il avoir pour être bio­in­for­ma­ti­cien ? Et à quoi res­sem­ble­rait idéa­le­ment un diplôme en bio­in­for­ma­tique ?

On sera tous d’accord qu’il n’y a pas une seule réponse à ces ques­tions. La rai­son est que la bio­in­for­ma­tique est basée sur l’apport de plu­sieurs dis­ci­plines. Le plus sou­vent on uti­li­se­ra même bio­in­for­ma­tique, bio­lo­gie com­pu­ta­tion­nelle, bio­lo­gie théo­rique de façon inter­chan­geable… (voir : Bien com­men­cer en bio­in­for­ma­tique)

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(© Bos­ton Uni­ver­si­ty)

BIO-informatique

La plu­part du temps, la bio­in­for­ma­tique répond à des pro­blé­ma­tiques bio­lo­giques, même si, sou­vent, les contri­bu­teurs (sur­tout au début de la recherche en bio­in­for­ma­tique) sont des mathé­ma­ti­ciens ou des phy­si­ciens.  Alors où se situe exac­te­ment la limite entre les dif­fé­rentes dis­ci­plines au sein même de la bio­in­for­ma­tique ?

Titus Brown, Pro­fes­seur à l’Université du Michi­gan, défend l’idée qu'en fait la bio­in­for­ma­tique n’est rien d’autre que de la bio­lo­gie et que c’est l’évolution des sciences natu­relles. Cette idée contro­ver­sée a fait beau­coup de bruit au BOSC 2014 (The Bio­in­for­ma­tics Open Source Confe­rence). La pré­sen­ta­tion est dis­po­nible dans le blog ‘Living in an Ivo­ry Base­ment’ auquel Le Pro­fes­seur Brown contri­bue.

En résu­mé, le Pro­fes­seur Titus Brown dit que l’introduction de l’informatique dans la recherche en bio­lo­gie, n’a pas que des avan­tages. Le pre­mier incon­vé­nient est que la bio­lo­gie n’est pas une dis­ci­pline de fouilles de don­nées mais par défi­ni­tion, consti­tue l’ensemble des sciences qui per­mettent de géné­rer des hypo­thèses et de les véri­fier en labo­ra­toire. Il pense éga­le­ment que la trans­for­ma­tion de la bio­lo­gie en sciences de don­nées pour­rait cau­ser un ‘data­po­ca­lypse’ c’est-à-dire un énorme ensemble  de don­nées, faciles à obte­nir mais dont l’analyse sera coû­teuse et chro­no­phage, en somme très com­pli­quée. Au final, le Pro­fes­seur Brown pense que pour s’en sor­tir, il fau­drait que la bio­lo­gie retrouve ses fon­da­men­taux, c'est-à-dire la géné­ra­tion d’hypothèses.

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'Votre réseau est en panne' — (© Impri­va­ta)

COMP-utational biology

D’un autre côté, un autre groupe de scien­ti­fiques (sur­tout les phy­si­ciens) pense qu’en réa­li­té le fait qu’on n’ait pas pu déchif­frer de nom­breux pro­ces­sus bio­lo­giques, est dû au retard de la bio­lo­gie théo­rique sur la tech­no­lo­gie exis­tante. En effet, en com­pa­rant la bio­lo­gie à la phy­sique, (Le boson de Higgs, dont l'existence a été pos­tu­lée en 1964, a été décou­vert en labo­ra­toire en 2012, soit 48 ans après !), la théo­rie est bien en retard sur la pra­tique, c’est donc le phé­no­mène inverse. Par exemple, même si les tech­no­lo­gies de séquen­çage, sont de plus en plus rapides, fiables et dis­po­nibles à faible coût, il existe très peu de mala­dies dont la genèse est cor­ré­lée à la pré­sence d’un gène. (voir l'article du blog sati­rique science web)

Le Pr. Albert-László Barabá­si, le père de la modé­li­sa­tion en réseaux de pro­téines, dit haut et fort que le sur­saut de la bio­lo­gie passe néces­sai­re­ment par la for­ma­li­sa­tion mathé­ma­tique des pro­ces­sus bio­lo­giques. Ses tra­vaux ont mené à la consti­tu­tion d’un réseau d’interaction pro­téine — pro­téine, qu’il uti­lise pour loca­li­ser les mala­dies dans cer­taines régions de ce réseau. Il uti­lise cet argu­ment pour réfu­ter l’approche par organe dans la méde­cine actuelle (car­dio­lo­gie, pneu­mo­lo­gie). En conclu­sion, le Pr. Barab­si, reste convain­cu que le méde­cin de demain est en fait le (bio ?)infor­ma­ti­cien d’aujourd’hui (voir sa pré­sen­ta­tion au TEDMED 2012).

En conclusion : biologiste ou informaticien ?

Aujourd’hui, deve­nir bio­in­for­ma­ti­cien est syno­nyme d’interdisciplinarité, de richesse et d’échange de connais­sances. Le fait qu’on se sente plus bio­lo­giste qu’informaticien ou vice-ver­sa est sans doute propre à cha­cun, au pro­jet sur lequel on tra­vaille, et c’est par­fois une ques­tion d’affinité. Savoir écrire un script en python est deve­nu un outil comme un autre dans les labo­ra­toires de bio­lo­gie expé­ri­men­tale. Éga­le­ment, le domaine bio­mé­di­cal est sans doute le sec­teur qui attire le plus grand nombre de cher­cheurs ain­si que les fonds dédiés à la recherche. La réponse à cette ques­tion n’est donc pas binaire.

Le plus impor­tant reste la coopé­ra­tion entre les dif­fé­rentes dis­ci­plines. Le nature même de la bio­in­for­ma­tique fait que l’on n'a pas tous la même approche de la matière. Il est donc néces­saire de tra­vailler sur les qua­li­tés d’écoute, d’empathie et d’intelligence émo­tion­nelle, pour faire de la diver­si­té un avan­tage et une richesse dans les dif­fé­rents pro­jets de recherche en bio­in­for­ma­tique, qui sont néces­sai­re­ment col­la­bo­ra­tifs  (voir : Le rôle de la bio­in­for­ma­tique dans les labos col­la­bo­ra­tifs)

Les qua­li­tés à déve­lop­per dans la recherche en bio­lo­gie dans l’ère post-géno­mique sont magni­fi­que­ment résu­mées et illus­trées par Andrea Bild dans son article paru dans Plos Com­pu­ta­tio­nal Bio­lo­gy.

Il est donc impor­tant d’enseigner aux futurs bio­in­for­ma­ti­ciens, la métho­do­lo­gie de tra­vail en équipe, ain­si que les tech­niques de com­mu­ni­ca­tion, le mana­ge­ment des conflits et les qua­li­tés de lea­der­ship. Ces qua­li­tés me paraissent aus­si néces­saires que grep pour un bio­in­for­ma­ti­cien.

L’ermite est celui qui s’isole et refuse d’admettre que le suc­cès passe par la col­la­bo­ra­tion — extrait de 'A Field guide to geno­mic research' (© Dan Mad­sen and Devi­ka Jogle­kar)

Entre temps, des poches de résis­tance existent :

How can a major cli­ni­cal jour­nal not have infor­ma­tics or bio­in­for­ma­tics as a spe­cial­ty to list for paper reviews ?

— Jason H. Moore, Ph.D (@moorejh) 1 Décembre 2014

(Jason Moore cri­tique les jour­naux de méde­cine qui n'ont pas de bio­in­for­ma­ti­ciens comme relec­teurs — Pro­ba­ble­ment, New England Jour­nal of Medi­cine , qui a un fac­teur d’impact de 54.42)

Mer­ci aux relec­teurs !

 

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Commentaires

Une réponse à “De la nécessité d’une pratique collaborative en bioinformatique”

  1. Mer­ci pour cet article qui je pense rap­porte des choses très justes sur notre métier actuel et à venir. Je suis bioin­fo et je fais beau­coup d'analyse omiques avec des bio­lo­gistes et il faut tou­jours bien se (re)demander ce qu'on cherche et ce que l'on va pou­voir trou­ver. Les don­nées sont une image de mil­liers de phé­no­mènes cor­ré­lés sta­tis­ti­que­ment. Dis­tin­guer les liens uni­que­ment sta­tis­tiques des liens fonc­tion­nelles d'intérêts passe obli­ga­toi­re­ment par des ques­tions bio­lo­giques bien for­mu­lées. Sans cela il y a des chances pour que les don­nées ne soient pas assez exploi­tées. Après que le bioin­fo se consi­dère bio­lo­giste, infor­ma­ti­cien, sta­tis­ti­cien voir ingé­nieur web/​réseau je pense qu'en recherche publique actuel­le­ment il sera ame­ner à appro­fon­dir ses connais­sances dans les 4 dis­ci­plines.

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