“Et pourquoi pas une thèse ?” vous êtes-vous peut-être demandé en sortant du TD de statistiques de mardi dernier. Pas forcément en biostatistiques, la thèse, hein. Mais la bioinformatique, ça vous parle vraiment. Vous adorez travailler sur des projets concrets, seul ou en groupe. Par contre, pour ce qui est de penser à l’après-Master… Certains de vos collègues ont déjà des plans de carrière précis (“une thèse en 4 ans + deux postdocs à l’étranger + concours maître de conf’”), mais ça n’est pas votre cas. Voici donc un (long) billet, pour vous convaincre que faire une thèse, c’est le bien (ou pas).
L’été meurtrier
Juillet 2012. Alors que vous vous enduisiez de crème solaire SPF 50, les doigts de pieds en éventail sur la plage de Palavas-les-Flots, Casey Bergman publiait son top N des raisons de faire une thèse ou un postdoc en bioinformatique (note : ce billet s’adresse à des étudiants ayant un bagage uniquement biologique). Pour lui, l’informatique, c’est la compétence-clé à avoir aujourd’hui quand on est un biologiste, ça vous rend plus rigoureux dans votre travail, vous ouvre d’autres portes que la biologie “pure” et vous permet de publier plus. Ah, et aussi on peut plus facilement bosser depuis chez soi.
Quelques jours plus tard, on pouvait lire sur le blog homolog.us une réponse au billet de Bergman, soit le top N des raisons de ne pas faire une thèse en bioinformatique ; puis, en février 2013, un autre billet, faire une thèse ou non en bioinformatique, suite à un commentaire laissé dans le précédent écrit. Ici, un étudiant en bioinformatique, qui ne souhaite pas poursuivre une carrière académique, s’interroge sur le fait de quitter son poste bien payé dans l’industrie pour commencer une thèse. La réponse d’homolog.us :
- grosse perte en terme de revenu s’il se lance en thèse, avoir une bourse et pas un “vrai” salaire
- mais à l’université, y a des “smart kids”, avec des idées fraîches pour changer le monde
Bon, c’est bien beau tout ça, mais on n’est pas plus avancé… On se doutait bien qu’on ne gagnerait pas des masses en étant thésard (encore que… ça dépend du pays…). Mais bon, après, on va gagner plus, non ? Est-ce qu’on s’engage dans une carrière académique “pour de bon” ? Et puis d’abord, une thèse en bioinformatique, ça consiste en quoi ?
C’est quoi une thèse en bioinformatique ?
Bien sûr, on ne peut pas définir ce qu’est une thèse en bioinformatique. Mais globalement, faire une thèse (en bioinformatique ou autre), c’est passer plusieurs années à tenter de répondre à un ou plusieurs problèmes ; c’est lire une tonne et demie de publications et s’en inspirer pour créer quelque chose de mieux ou de plus adapté à notre problématique ; c’est rencontrer d’autres chercheurs passionnés et échanger ; c’est penser, tester et valider des hypothèses ; c’est souvent transmettre (ses connaissances, son amour de la science) à travers des cours et des TD ; c’est enfin communiquer ses résultats dans des articles scientifiques (et dans un gros pavé que peu de gens liront au final, mais qui fera classe dans ta bibliothèque — oui, au point où on en est, autant se tutoyer). Ce sont aussi souvent des années difficiles, qui demandent un investissement important, et laissent peu de place aux loisirs et à la vie privée. Alors, ça te dit ?
Et après la thèse ?
Si tu vises une carrière académique, la thèse est un passage obligé. Mais ça n’est pas parce que tu te lances dans une thèse que tu es coincé pour toujours dans la recherche publique ! Tu peux très bien passer du côté obscur dans le privé… et pourquoi pas revenir dans le public quelques années plus tard ! Et il en va de même après un post-doc. Par contre, se faire embaucher dans le privé en sortant de thèse n’est pas toujours évident en France : faible reconnaissance du diplôme de docteur sur le marché du travail, compétences mal identifiées par les employeurs… Comme le dit cet article du Monde, “même les postes dédiés à la recherche au sein des entreprises françaises sont majoritairement dévolus à des ingénieurs issus de grandes écoles (54 % en 2009, contre 13 % de docteurs, selon les chiffres du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche) […] À ces obstacles dans le secteur privé s’ajoute un déficit chronique de postes d’enseignants-chercheurs au sein des universités françaises, où les places s’annoncent de plus en plus chères en temps de rigueur budgétaire”. Bref, c'est pas gagné, et il vaut peut-être mieux aller à un entretien d'embauche avec une copie du rapport "Compétences et employabilité des docteurs" sous le bras ! Cependant, ce constat ne se généralise pas à tous les pays.
Si tu as encore des questions ou des hésitations, pourquoi ne pas aborder le sujet avec ceux qui sont directement en première ligne ? Certains de tes encadrants de TD ou de projets sont eux-mêmes en thèse ! Tu peux également t'adresser à JeBIF — l'association des Jeunes Bioinformaticiens de France — ou plus généralement à la Confédération des Jeunes Chercheurs. Depuis quelques années, au cours des Journées Ouvertes en Biologie, Informatique et Mathématiques (JOBIM), JeBIF organise des ateliers, notamment sur l'insertion professionnelle des jeunes bioinformaticiens. Beaucoup de villes organisent également des forums à destination des jeunes diplômés issus de master ou d'école d'ingénieur.
“Et pourquoi pas une thèse ?”, me disais-je en 2ème année de Master, mais sans aucune intention de poursuivre une carrière académique. Au cours de mon stage de M2, on m’a donné ce judicieux conseil : ne fais pas une thèse pour faire une thèse ; fais une thèse parce que le sujet de thèse te plait.
Thèse ou pas thèse, votre avis et votre expérience nous intéressent ! N’hésitez pas à les partager dans les commentaires de ce billet.
Merci à Max, ZaZo0o et Clem_ pour les commentaires et discussions qui sont venus enrichir cet article.
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