Oui, on sait, vous les Geekus biologicus vous avez du être attirés par ce titre en vous disant qu'on est complètement ravagés. Évidemment qu'il y a de la nouveauté en matière de séquençage !
Apparemment tout le monde n'est pas au courant.
En effet, le 9 février, (au moins) deux articles, publiés dans des journaux grands publics (France3 et Le Monde), ont fait parler d'eux sur Twitter (suivre les fils de tweets ici ou encore ici). Ces deux articles traitaient d'une nouvelle technologie de séquençage ultra rapide inventée non pas aux États-Unis, non pas en Allemagne, pas plus en Chine ou au Royaume-Uni, mais bien, cocorico, en France par Aurélien Bancaud !
Là où le bât blesse, c'est que dans les deux articles que l'on a lu, on nous explique des choses surprenantes (bon carrément fausses en fait) :
Pour analyser l'ADN […] la méthode […] n'a guère évolué depuis les années 70
nous explique-t-on chez France 3. Chez Le Monde, on nous explique ceci :
Pour séquencer l’ADN […] la méthode principale depuis la décennie 1970…
Ok… Donc d'après ces deux rédactions, il n'y a rien eu depuis les années 70 et la méthode… Sanger, qui est elle même drôlement bien expliquée par Le Monde :
Pour séquencer l’ADN, et ainsi obtenir la carte d’identité génétique d’une espèce, la méthode principale depuis la décennie 1970 consiste à déposer l’ADN sur une matrice, c’est-à-dire un moule servant à reproduire une empreinte, constituée d’une sorte de gel. On fait ensuite passer un courant électrique au travers de ce gel, et les morceaux d’ADN se déplacent en fonction de leur taille. L’image ainsi obtenue forme un « code-barres ».
Si la technologie présentée (on n'en a pas (encore) parlé ici, mais on vous encourage à y jeter un œil) a l'air intéressante, la façon dont elle est présentée par les médias grands publics pose quand même un problème.
Vulgariser c'est bien, ne pas dire de bêtises en vulgarisant c'est mieux !
Qui peut, en effet croire un instant que depuis les années 70 il n'y ait eu aucune amélioration des technologies de séquençage ?
Il y a presque deux ans, dans ces colonnes, nous vous expliquions l'évolution de ces techniques. Rappelons que le premier génome humain a été séquencé au début des années 2000. Ce séquençage a duré plusieurs années et a coûté la modique somme de 3 milliards de dollars. Aujourd'hui le séquençage d'un génome humain coûte environ 1000$ et se fait en quelques jours. Nous vous faisions d'ailleurs un article d'opinion sur ces évolutions, leurs possibles devenirs et les gardes-fous à mettre en place autour de tout cela.
Bon, on ne parle bien évidemment là que de la partie séquençage. Ce qui coûte cher et demande beaucoup de temps aujourd'hui c'est bien évidemment la partie analyse. Et heureusement que pour cela nous autres bioinformaticien(ne)s, sommes là !
Bref… tout cela nous amène à plusieurs autres questions, bien plus importantes celles là. Est-ce les sciences et uniquement elles qui sont mal traitées par les médias généralistes ? Ou est-ce que le niveau est le même dans tous les domaines ? On espère que ce n'est que la partie sciences, même si on avoue qu'on a un peu de mal à y croire…
L'autre question, qui nous turlupine, c'est de savoir comment, en tant que scientifiques, nous pouvons faire en sorte que la vulgarisation se fasse le plus justement possible d'un point de vue scientifique. Car le danger de ce type d'articles grands publics et généralistes, c'est qu'il sont beaucoup lus et donc par la force des choses cités et repris. En gros, ils font des petits (pour le cas cité dans cet article cela a d'ailleurs déjà bien commencé ici, ici, là, ou encore ici par exemple). La comparaison à un hoax n'est vraiment pas loin…
De nombreux scientifiques éditent leur propre blogs d'éditions scientifique (comme par exemple notre ami Marc Robinson Rechavi), publient des vidéos sur Youtube (comme le très célèbre Docteur A.) ou font même du journalisme leur métier transversal avec la science (comme Pierre Barthélémy par exemple). Cela est évidemment bien, et on vous encourage vivement à aller dans ce sens (notamment en rédigeant des articles ici par exemple pour ceux qui le souhaitent), mais est-ce suffisant ?
La force de frappe des journaux télé ou des grands journaux nationaux est énorme, et la moindre erreur énoncée dans ces médias a une gigantesque répercussion (on se rappelle tous du mouton méduse fabriqué à l'INRA). Le problème est qu'à force d'être reprise par les médias généralistes, certaines idées finissent également par diffuser dans la communauté scientifique. On pense par exemple à l'énorme "buzz" ENCODE qui nous avait aussi fait réagir à l'époque et qui nécessite encore aujourd'hui de la clarification même au sein de la communauté scientifique. Ou encore le terme de fossile vivant, qui n'a absolument rien de scientifique, et que l'on revoit systématiquement lorsque l'on parle du cœlacanthe ou d'espèces (souvent aquatique) pour lesquelles aucune autre espèce proche n'est connue et qui phénotypiquement parlant ressemblent parfois aux plus beaux monstres d'Hollywood. Rappelons, ici, au cas où, qu'un bon fossile est un fossile mort ! Et on ne vous parle pas de la théorie de l'évolution sur laquelle tout le monde pense être capable de donner son opinion, parfois sans rien y comprendre…
Nous nous permettons donc par le biais de cet article et de ses commentaires d'ouvrir le débat, de vous permettre de vous exprimer sur ce sujet et d'essayer ensemble de trouver des solutions.
A vos claviers.
Auteurs de l'article : m4rsu et Yoann M.
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