Je sais pas pour vous mais dans mon labo, le premier réflexe de mes collègues lorsqu'il faut faire une figure ou un poster c'est soit de dégainer la suite Ad*be, soit d'ouvrir P*werPoint. Quel est le problème me direz-vous ? Outre le fait qu'ils soient très coûteux pour le labo/l'université/l'entreprise où vous travaillez, ces outils ne sont pas forcément adaptés à l'usage que vous en faites. Le premier est souvent trop compliqué et très lourd, et le second n'est carrément pas fait pour ça. Il existe cependant un outil simple, gratuit, léger et puissant mais assez méconnu du grand public (et des scientifiques), qui permet à la fois de faire des jolies figures et posters sans trop de prises de tête. Cet outil, c'est le logiciel de dessin vectoriel Inkscape. Il est disponible pour les plateformes Windows, Mac OS et Gnu/Linux. Allez‑y, n'ayez crainte, téléchargez-le, c'est un logiciel libre 🙂
Une fois Inkscape téléchargé et installé, voilà à quoi ça ressemble. Vous avez en face de vous une page blanche avec à droite une barre d'outils, en haut deux barres d'outils, et à droite, une quatrième barre d'outils mais qui ne vous servira probablement pas (en tout cas, je ne m'en suis jamais servie).
Démarrons par un peu de théorie
Comme dit plus tôt, Inkscape est un logiciel de dessin vectoriel. Selon Wikipédia, une image vectorielle, c'est "une image numérique composée d'objets géométriques individuels […] auxquels on peut appliquer différentes transformations". En gros, vous ne pouvez pas juste dessiner comme si vous aviez un crayon au bout de votre curseur comme dans un logiciel de dessin classique. Pour dessiner, il faudra tracer des formes géométriques, qui deviendront des objets à part entière, cliquables, déplaçables, que vous pourrez tourner dans tous les sens. Ces objets ne sont pas composés de pixels, ce sont des bouts de codes. D'ailleurs, le format de fichier pour une image vectorielle n'est pas un PNG ou un JPEG (faits de pixels) mais le SVG pour Scalable Vector Graphics (en français "graphique vectoriel adaptable"). C'est un format de données très proche du XML dans lequel toutes les coordonnées et les caractéristiques de vos objets géométriques sont stockées.
Quel est l'avantage du SVG comparé à du PNG ? La puissance du SVG c'est que peu importe la taille finale de votre dessin, vous pourrez l'agrandir à l'infini sans aucune perte de qualité. Ben oui, vu qu'il n'y a pas de pixel mais que tout est codé, si on agrandi ça recalcule les coordonnées et ça retrace l'objet proprement. Du coup, pour les posters par exemple, on peut travailler sur un format A4 afin de ne pas faire surchauffer l'ordi pour rien et passer en A0 à la fin en un clic, sans perdre la mise en forme et sans perdre en qualité d'image.
Passons à la pratique
On va dans un premier temps créer une forme, puis la remplir avec une couleur, un dégradé, et changer les contours. Ensuite on apprendra à faire des flèches, à écrire du texte, à aligner des objets, gérer les superpositions, à grouper, dégrouper et cloner des objets. Quand vous aurez maîtrisé ça, vous aurez toutes les clés en main pour dessiner des figures. L'étape suivante consistera à savoir importer des images ou des pdf (oui oui, vous pouvez inclure des pdf dans un svg), puis d'exporter votre création dans le format de votre choix.
1- Jouer avec les formes…
Je pourrai vous proposer de dessiner un carré mais ça serait trop simple. Nous allons dessiner une forme complexe à l'aide de l'outil "Courbe de Bézier" sur la barre d'outils de gauche. C'est l'outil que j'utilise le plus quand je fais des schémas. Pour créer la forme il suffit de cliquer un peu partout tout en prenant soin de refermer la forme en reliant le dernier point au premier.
Voilà, on a une forme étrange assez anguleuse. Pour modifier la forme que l'on vient de créer on utilise l'outil "Éditer les nœuds" , toujours sur la barre d'outils de gauche. Vous verrez apparaître des petits losanges gris à chaque nœud de la forme. Ces marqueurs permettent de bouger votre point pour le replacer à votre convenance. Pour créer des courbes, il faut tirer sur un segment avec la souris. Vous verrez des traits bleus partir des points. Ces traits servent à contrôler la courbure de votre segment. Pour transformer un angle en arrondi harmonieux, vous pouvez soit jouer avec les traits bleus, soit sélectionner le nœud en cliquant dessus et choisir l'option "Rendre symétrique" sur la barre d'outils du haut.
Ça commence à ressembler à quelque chose, je vous laisse admirer mon œuvre 😉
2- … Et les couleurs
Nous avons donc obtenu une forme structurée avec amour, qui se compose d'un contour noir, mais qui n'a pas de couleur. Il va falloir remplir cette forme pour la rendre plus attrayante. Sur la barre d'outils la plus en haut, sélectionner l'outil "Éditer les couleurs de l'objet" . Un panneau à droite s'affiche et contient trois onglets qui va nous permettre de colorer notre forme : "Fond", "Contour", et "Style du contour". Plus bas dans ce panneau il y a également deux options avec lesquelles vous pouvez définir l'opacité de votre forme ou encore la flouter. Commençons par faire simple, remplissons notre forme avec une couleur. L'outil est suffisamment intuitif pour que je vous laisse trouver tout seul.
Une couleur plane, c'est bien, mais un dégradé, c'est mieux, ça rajoute de la profondeur et donne un côté plus travaillé à vos schémas. Pour appliquer un dégradé, choisissez un des deux types de dégradé proposés dans le panneau de droite. Pour changer la couleur, il faut sélectionner l'outil "Créer et éditer des dégradés" dans la barre d'outils de gauche, puis choisir un des "stops" pour en changer la couleur, dans la barre du haut (cf. cadres rouges sur l'image).
Vous avez compris les principes de bases pour colorer des formes à votre guise. Maintenant, explorez l'onglet "Contour" du panneau de droite. Il se compose exactement de la même manière que l'onglet précédent. Vous pouvez changer la couleur de vos contours de la même manière que pour le fond. L'onglet "Style du contour" vous permet de choisir l'épaisseur de votre contour et sa forme (terminaisons ou angles ronds, pointillés, etc).
3- Allons un peu plus loin : flèches et textes
Quand on fait des schémas, on fait inévitablement des flèches. Malheureusement, à première vue Inkscape ne propose pas d'outil direct pour faire une flèche, mais en réalité, il y a bien une manière simple pour en réaliser. Réutilisez l'outil "Courbe de Bézier" et dessinez un segment (clic droit pour finir le trait). Allez dans "Éditer les couleurs de l'objet" , onglet "Style du contour" et explorez les menus déroulant "Marqueurs". Le premier marqueur correspond à la première extrémité de votre segment, le second au milieu, et le troisième à l'autre extrémité. Dans ces menus vous trouverez diverses formes dont des têtes de flèches. Vous pourrez ainsi transformer votre trait en flèche, et lui imposer des courbures avec l'outil "Éditer les nœuds" comme on l'a vu plus haut.
Pour le texte, c'est plus simple, choisissez l'outil "Créer et éditer des objets textes" dans la barre de gauche puis cliquez là où vous voulez écrire. Vous pouvez éditer la taille et les couleurs du texte ainsi que rajouter un contour aux lettres tout comme on l'a vu pour la forme.
4- Aligner et superposer les objets
Un schéma bien organisé passe par des objets bien alignés. Pour aligner des objets, sélectionnez-les (attention, dans Inkscape, c'est avec "shift" qu'on sélectionne plusieurs objets et pas "ctrl"), et choisissez l'outil "Aligner et distribuer" dans la barre d'outils tout en haut. Un nouveau panneau s'ouvre à droite et vous propose tout plein d'options pour aligner vos objets selon vos besoins (à droite, à gauche, en haut, au centre…). Vous pouvez aligner les éléments entre eux, ou à la page en choisissant dans le menu déroulant "Relativement à".
Les objets que vous créez sont comme une pile de feuilles de papier. Le dernier que vous créez se retrouve en haut de la pile et masque les autres. Si vous voulez changer l'ordre de vos objets, utilisez les outils d'empilement sur la barre d'outils du haut (cf. le cadre rouge).
5- Grouper, dégrouper et cloner
Une fois que vous avez disposé des objets et que vous ne voulez plus qu'ils se décalent malencontreusement les uns des autres, vous pouvez grouper les objets pour qu'ils ne deviennent qu'un. Pour cela, sélectionnez vos objets, faites un clic droit et sélectionnez "Grouper". Pour aller plus vite, le raccourci touche c'est "ctrl+G". Pour séparer des objets groupés c'est "ctrl+shift+G".
Si vous voulez copier/coller rapidement des objets, vous pouvez les cloner avec le raccourci touche "ctrl+D". Cela crée une copie de l'objet tout en le plaçant exactement au dessus de l'objet initial. A contrario, couper/coller va coller là où est votre curseur de souris. Ça n'a l'air de rien comme ça mais si vous ne voulez pas passer votre temps à ré-aligner vos objets c'est quand même plus pratique.
6- Importer des images et exporter vos œuvres
Maintenant que vous avez appris les rudiments pour créer vos propres objets, vous voudrez sûrement y mixer des images que vous avez déjà en stock et, à terme, exporter votre création dans un format PNG ou JPEG. Pour ça, utilisez un des deux outils disponibles dans la barre d'outils tout en haut. Là encore, je pense que c'est assez bien fait pour que je ne vous explique pas comment ça marche.
Deux choses tout de même. La première, c'est que si vous voulez exporter votre schéma en PDF, il faudra faire "Enregistrer sous…" et choisir l’extension PDF. Ce format permettra de garder les textes sélectionnables, et de conserver le côté haute qualité que n'auront pas les PNG ou JPEG.
La seconde chose est que vous pouvez importer un PDF dans Inkscape (page par page s'il y en a plusieurs…). Le truc cool c'est que les PDF sont transformés par Inkscape en objets. Donc vous pouvez importer dans Inkscape un graphique en PDF généré dans R et l'arranger comme vous le voulez (changer des couleurs, changer le texte, etc). Les PDF que vous importez sont des objets groupés. Il vous faudra les dégrouper, parfois plusieurs fois, pour avoir accès à tous les objets.
Quelques réalisations personnelles pour vous inspirer
J'utilise Inkscape depuis pas mal d'années maintenant, et j'en apprend encore tous les jours. Je ne vous ai bien entendu pas dévoilé tous les trucs et astuces que je connais, sinon il y en a pour des jours. Pour finir de vous convaincre de la puissance de cet outil, voici quelques réalisations 100% Inkscape :
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