Le 11 Février 2013, le magazine Numérama annonçait un partenariat commercial signé aux États-Unis par l'entreprise informatique IBM. Cet article présente tout particulièrement le système expert Watson dont nous vous avions fait une brève description lors de notre compte-rendu sur l'ECCB 2012. Dans ce billet, je me propose de vous présenter rapidement Watson et les systèmes experts, puis de vous exposer mon avis sur un système expert en diagnostic.
Watson, un petit saut dans le passé
Watson s'est fait connaître en 2011 en gagnant le jeu télévisé américain Jeopardy !, l'équivalent de notre émission "Questions pour un champion". Au cours de l'émission, Watson a été en mesure d'"entendre" (i.e. interpréter les paroles) et de comprendre les questions posées par l'animateur.
Fort d'un grand nombre de données stockées dans son disque dur, essentiellement des articles issus de l'encyclopédie en ligne Wikipedia, représentant pas moins de 4To de données, Watson a pu trouver les réponses en moins de 3 secondes !
Un système expert, c'est quoi ?
Un système expert est une forme d'intelligence artificielle. Il ne s'agit ni plus ni moins que d'un gros (très gros !) programme contenant de nombreux algorithmes de type heuristique.
A partir des connaissances dont il dispose, appelées des faits et d'un certain nombre de règles régissant ces faits, il est capable, par inférence, de fournir de nouveaux faits afin de répondre à la question posée par l'utilisateur.
Les systèmes experts sont utiles pour la prise de décision et sont présents dans des domaines aussi divers que variés tels que :
- L'interprétation, en inférant la situation à partir de descriptions de données issues de capteurs
- La prédiction, en inférant les conséquences provenant de situations données
- Le diagnostic, en inférant le mauvais fonctionnement d'un système à partir de données observables
- Le design, en configurant des objets à partir de contraintes
- Etc.
Source : Page Expert system (en) sur WikiPédia
Donc Watson est un super système expert ?
Oui, mais il est encore plus que cela !
Watson est basé sur des algorithmes d'analyses de données basées sur le langage naturel. Rappelez-vous, lorsqu'il a gagné au Jeopardy!, il contenait tous les articles de l'encyclopédie en ligne Wikipedia. Contrairement à un système expert tel que défini en 1965 par l'équipe de Edward Feigenbaum, Watson va construire ses tables de faits à partir de ce qu'on lui donne à lire.
Ainsi, dans l'article de Numérama, qui reprend la page informative du site d'IBM, Watson va pouvoir aider les médecins dans la prise de décision de traitement à partir des données observées par le corps médical et saisies dans le dossier patient. Ce dossier patient contient également le passé médical de celui-ci ainsi que des données sur ses antécédents familiaux qui peuvent s'avérer cruciaux pour la mise en place d'un traitement. Ainsi il sera possible d'éviter une éventuelle interaction médicamenteuse si le patient présente un terrain pour une maladie génétique, ou prédisposition, tel que du diabète ou de l'épilepsie. Watson peut également aller plus loin en analysant des radiographies afin de repérer des anomalies qui pourraient échapper à l’œil expert d'un médecin.
Watson : un bon ou un mauvais outil pour le corps médical ?
Bien que n'étant pas une spécialiste des systèmes experts, loin de là, ni médecin, je vois des points positifs et négatifs quant à l'utilisation de Watson en tant qu'expert médical.
Aspects positifs
Dans les points positifs je vois la réduction du risque d'interaction nocive pour le patient lors des traitements. Il n'est pas toujours facile de se souvenir de toutes les interactions médicamenteuses, même si c'est le travail du médecin, l'homme n'est pas infaillible, et la pharmacologie peut souvent avoir des effets secondaires dont les interactions peuvent s'avérer dangereuses pour la santé.
Les données sur les patients peuvent être nombreuses et complexes, le fait de disposer d'un tel outil peut permettre d'accélérer la pose d'un diagnostic et du traitement approprié dans certains cas, ce qui permettrait de réduire les temps d'attente pour chaque patient.
Enfin, un tel outil permettrait également de proposer un traitement personnalisé par patient. En effet, chacun de nous ne réagit pas de la même façon face à un même médicament. Le fait de connaître avec exactitude le dossier médical du patient avec tous ses antécédents entre parfaitement dans le cadre de la médecine personnalisée, comme présenté dans cet article de l'INSERM pour le traitement de cancer.
Aspects négatifs
Autant la pose de diagnostic pour un rhume ou une grippe sont faciles et rapides à faire (même sans être médecin on peut éventuellement s'auto-diagnostiquer) autant certains cas sont beaucoup plus difficiles. Il n'est pas rare que certains cas soient si rares, voire pratiquement jamais vu, qu'il faille passer par de nombreux médecins spécialisés, ce qui peut vite revenir cher et stressant pour le malade. Dans ces cas-là, comment Watson pourrait-il être utile au corps médical sans qu'il ne propose un mauvais diagnostic ?
Pour la radiologie, la question que je me pose est de savoir jusqu'à quel point l'algorithme d'analyse d'image est bon. Bien que la technologie dans ce domaine ait fait de nombreux progrès, comment un algorithme pourrait-il distinguer un artefact si il y en a un ? Quels pourraient être les risques en cas de mauvaise analyse de Watson ?
Conclusion
Watson peut être un très bon outil d'aide à la pose de diagnostic et de traitement pour le corps médical, encore faudra-t-il que les médecins ne se reposent pas entièrement dessus. Comme pour n'importe quel outil informatique, les médecins devront garder un minimum de recul afin d'éviter un mauvais diagnostic et un mauvais traitement qui pourraient s'avérer dangereux pour leurs patients, de même que nous, en tant que bioinformaticiens, devons garder un minimum de recul au cours de nos analyses afin d'éviter de poser une conclusion trop hâtive. Il peut donc être intéressant de suivre l'évolution de ce système expert d'IBM et voir ce que l'avenir nous réserve, y compris dans la recherche médicale en cancérologie.
Je remercie nahoy, Bu, tadaima et ook4mi pour leur relecture et leurs commentaires.
Laisser un commentaire