La modélisation moléculaire

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La modé­li­sa­tion molé­cu­laire est un ensemble de méthodes per­met­tant d'expliquer com­ment fonc­tionne le vivant. En effet, le vivant est une suc­ces­sion d’interactions entre dif­fé­rentes molé­cules : pro­téines, ADN, ARN, mem­branes, etc. Ces molé­cules inter­agissent les unes par rap­port aux autres en fonc­tion de plu­sieurs para­mètres : leurs formes, leurs pro­prié­tés chi­miques et leur envi­ron­ne­ment. La modé­li­sa­tion molé­cu­laire per­met de pré­dire la struc­ture de cer­taines molé­cules ain­si que leurs inter­ac­tions les unes avec les autres.

Les champs de force

La pre­mière néces­si­té quand on fait de la modé­li­sa­tion molé­cu­laire c'est de trou­ver le champ de force adap­té. Un champ de force, en modé­li­sa­tion, n'est pas un bou­clier qui per­met de se pro­té­ger des attaques enne­mies dans l'espace ! C'est un ensemble de règles qui per­mettent de dire si une confor­ma­tion d'une molé­cule est plus stable qu'une autre. Pre­nons un exemple simple : la molé­cule d'eau. Celle-ci est com­po­sée de deux atomes d'hydrogène et d'un d'oxygène. Or ces atomes ne sont pas orien­tés n'importe com­ment, ils sont orien­tés en V avec un angle bien par­ti­cu­lier. On pour­rait donc dire que de l'eau est plus stable si les deux hydro­gènes forment cet angle.

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Molé­cule d'eau avec l'angle opti­mal

Or, la molé­cule n'est pas rigide, elle peut varier autour de cette struc­ture stable. Le champ de force va donc être une fonc­tion mathé­ma­tique qui va per­mettre de s'approcher de cette confor­ma­tion stable. Celle-ci pour­ra par exemple être : si l'angle est l'angle natu­rel, la fonc­tion retourne 0, sinon elle retourne une valeur posi­tive pro­por­tion­nelle à la dévia­tion entre l'angle « obser­vé » et l'angle « opti­mal ». Ain­si, cher­cher à obte­nir la meilleure confor­ma­tion revient à cher­cher le mini­mum de cette fonc­tion.

On com­plique un peu les choses et on rajoute une deuxième molé­cule d'eau. Elle aura elle aus­si un angle à opti­mi­ser. Mais il fau­dra aus­si prendre en compte la pre­mière molé­cule d'eau, avec qui elle fera des liai­sons hydro­gène. On pour­ra ajou­ter à la fonc­tion pré­cé­dente, un cri­tère de dis­tance entre l'atome d'oxygène d'une des molé­cules avec les hydro­gènes de l'autre. Et voi­là, on a un champ de force qui per­met de modé­li­ser de l'eau. On peut ajou­ter autant de molé­cules d'eau que l'on veut, on pour­ra tou­jours appli­quer cette fonc­tion au sys­tème.

molécules d'eau
On peut simu­ler plu­sieurs molé­cules d'eau

On peut aus­si défi­nir des cal­culs mathé­ma­tiques pour créer de nou­velles règles pour tous les atomes de toutes les molé­cules. Mais ima­gi­nons que l'on cherche à modé­li­ser une pro­téine dans de l'eau. Il fau­dra cal­cu­ler toutes les inter­ac­tions entre la pro­téine et l'eau, entre l'eau et l'eau et entre les atomes de la pro­téine et les autres atomes de cette pro­téine. Cela com­mence à faire beau­coup de cal­culs, même pour un ordi­na­teur.

C'est pour ça que des choix sont effec­tués et que dif­fé­rents champs de force sont créés. Cer­tains champs de force « oublient » volon­tai­re­ment cer­tains atomes, mais en modi­fiant leurs cal­culs pour faire « comme si » ces para­mètres n'avaient pas été oubliés. On peut par exemple oublier l'eau, ou bien consi­dé­rer que l'on tra­vaille dans un milieu lipi­dique. On peut aus­si consi­dé­rer que cer­tains groupes d'atomes sont en réa­li­té un seul et unique gros atome. On parle dans ce cas de modèle « gros grain » par oppo­si­tion aux modèles « tout atome ».

Par­mi les plus célèbres champs de force uti­li­sés en bio­in­for­ma­tique on peut citer GROMOS ou AMBER.

La modélisation d'une (ou plusieurs) molécules

Une fois le champ de force choi­si (ou créé) il faut main­te­nant choi­sir un algo­rithme de modé­li­sa­tion. Là encore tout dépend de ce que l'on sou­haite modé­li­ser. Par exemple si l'on veut modé­li­ser une pro­téine, on peut jouer sur les dif­fé­rents angles phi et psi pour créer une varia­bi­li­té, une fois la varia­bi­li­té créée, il suf­fit d'appliquer le champ de force pour cal­cu­ler quelle molé­cule est la plus proche de la valeur opti­male.

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Pro­téine 2KZX, cible de CAPS9 sous le code T056, figure réa­li­sée avec PyMol

Puis on applique de nou­velles varia­tions sur cette molé­cule afin d'essayer d'approcher de la confor­ma­tion la plus stable. Là encore les algo­rithmes pour créer cette varia­bi­li­té sont variés : algo­rithmes géné­tiques, Monte-Car­lo… Cha­cun de ces algo­rithmes a ses avan­tages et ses incon­vé­nients, et il est impor­tant de prendre en consi­dé­ra­tion chaque pos­si­bi­li­té afin de réa­li­ser au mieux sa modé­li­sa­tion. On peut aus­si par­tir d'une molé­cule exis­tante et uti­li­ser de nom­breux outils mathé­ma­tiques pour dépla­cer légè­re­ment une molé­cule dans son espace confor­ma­tion­nel. C'est for­te­ment utile quand une pre­mière modé­li­sa­tion a été réa­li­sée dans un espace dis­cret et que l'on sou­haite se rap­pro­cher de l'espace conti­nu qu'est la réa­li­té.

Autre exemple : la dyna­mique molé­cu­laire. Il s'agit de regar­der l'évolution d'une molé­cule dans le temps. Est-ce qu'elle va s'ouvrir ? Se refer­mer ? Se tour­ner ? La dyna­mique consiste à don­ner une légère impul­sion, comme un coup de pied dans un bal­lon qui se trou­ve­rait dans l'espace, et ensuite en sui­vant les indi­ca­tions du champ de force, on regarde l'évolution de la molé­cule, comme si le bal­lon rebon­dis­sait sur des murs, ou était atti­ré par une pla­nète plus ou moins loin­taine. Les cal­culs peuvent être très longs (plu­sieurs jours, voir un mois), il faut donc pré­pa­rer la dyna­mique avec soin.

Je vou­drais, en der­nier exemple, vous par­ler du docking. Le docking (ou arri­mage molé­cu­laire pour les puristes fran­co­phones) fait aus­si par­tie des méthodes de modé­li­sa­tion mais je le consi­dère comme un cas à part. Il uti­lise les même prin­cipes que les autres méthodes de modé­li­sa­tion mais il a la par­ti­cu­la­ri­té d'essayer de com­bi­ner deux molé­cules ou plus. Le vivant étant consti­tué des inter­ac­tions entre dif­fé­rentes molé­cules, cette modé­li­sa­tion est l'une des plus impor­tantes. Là encore dif­fé­rentes méthodes et algo­rithmes existent pour pla­cer les deux molé­cules l'une en face de l'autre, avec cha­cune plus ou moins de sou­plesse et essayer de trou­ver où et com­ment l’interaction entre ces deux molé­cules est pos­sible. Là aus­si les cal­culs à effec­tuer sont nom­breux et il faut par­fois des jours avant qu'une simu­la­tion se ter­mine.

En conclu­sion, je vou­drais men­tion­ner un concours qui a lieu en ce moment : CASP. C'est un concours inter­na­tio­nal qui per­met à dif­fé­rentes équipes à tra­vers le monde de mon­trer leurs capa­ci­tés à pré­dire la struc­ture des pro­téines. Pour plus d'informations (en anglais) allez sur le site de CASP.

Cré­dit images : Pho­to par Alan Wolf (CC By NC); Illus­tra­tions : Crea­tive Com­mons



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Commentaires

Une réponse à “La modélisation moléculaire”

  1. On peut éga­le­ment cité Charmm (www​.charmm​.org/) comme autre champ de forces très uti­li­sé par la com­mu­nau­té.
    Sinon ça fait plai­sir de voir qu'il reste pas mal de (bonnes) choses des cours de modé­li­sa­tion molé­cu­laire 😉

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