Le 16 novembre 2014, le World Community Grid (WCG) fête ses 10 ans d’existence. Créé par IBM en 2004, ce projet de grille de calcul distribué par ordinateur se donne pour mission de soutenir des projets de recherche à fins humanitaires. Selon Wikipedia, une grille de calcul est une infrastructure virtuelle "qui exploite la puissance de calcul (processeurs, mémoires, …) de milliers d'ordinateurs afin de donner l'illusion d'un ordinateur virtuel très puissant". Dans cet article, je vais vous expliquer quels sont les projets soutenus par le WCG, comment est utilisé le temps de calcul et pour quels résultats, et comment devenir un membre actif de la communauté.
Les projets du World Community Grid
Le WCG héberge actuellement 23 projets. 4 sont dits “actifs” (on peut encore leur donner du temps de calcul) :
- FightAIDS@home, dont le but est d’identifier des médicaments capables de bloquer la protéase du VIH ;
- Mapping Cancer Markers, pour l’identification de marqueurs associés à différents types de cancer ;
The Clean Energy Project – Phase 2, dont la mission est de trouver de nouveaux matériaux pour la prochaine génération de cellules solaires, puis d'appareils de stockage d'énergie ;
Uncovering Genome Mysteries, soit l’étude du génome d’une multitude de micro-organismes.
Les 19 autres projets sont à l’état “terminé”. Cela ne signifie pas que la recherche sur ces projets est finie, mais que l’analyse des simulations et autres calculs est en cours. D’ailleurs, parmi tous les projets, on peut en avoir certains ré-apparaître pour une “phase 2”. Prenons par exemple le projet Discover Dengue Drugs Together : lors de la phase 1, les chercheurs ont utilisé le programme AutoDock pour analyser des millions de molécules. Plusieurs milliers d’entre elles ont été identifiées comme potentiels inhibiteurs de la protéase NS3 du virus de la dengue. Cependant, la majorité de ces composés sont des faux-positifs, et il serait inutile de tous les tester en labo à ce stade. Durant la phase 2 du projet, les chercheurs ont utilisé le programme CHARMM pour calculer l’énergie libre de Gibbs de liaison entre chaque molécule candidate et la protéase NS3, afin de réduire le nombre de molécules candidates.
À quoi sert le temps de calcul ?
Pour la majorité des projets à thématique biologique, le temps de calcul sert à faire du docking moléculaire, dont les calculs sans le WCG (ou toute autre grille) seraient trop longs. Par exemple dans le projet français Help Cure Molecular Distrophy, les interactions protéine-protéine de plus de 2000 protéines humaines impliquées dans la dystrophie de Duchenne de Boulogne ou d’autres maladies neuromusculaires ont été étudiées. Ou encore GO Fight Against Malaria qui, selon les responsables, serait l'un des plus importants projets de docking au monde, avec plus d’un milliard de calculs d’interactions entre des composes chimiques et des protéines essentielles à la survie de Plasmodium falciparum, le parasite responsable de la forme de malaria la plus mortelle.
Le plus ancien projet du WCG, Human Protein Folding, avait pour but de prédire les structures protéiques grâce au logiciel Rosetta, et d’obtenir des structures de résolutions supérieures pour certaines protéines humaines et pathogènes. Un projet similaire, Nutritious Rice for the World, avait pour objectif principal de prédire la structure des protéines du riz grâce aux programmes disponibles sur le site Protinfo.
Quels résultats ont été obtenus ?
Les projets du WTC auraient généré plus de 35 publications peer-reviewed d'après Juan Hindo, manager pour le WCG. Certains de ces articles se sont plutôt focalisés sur les aspects techniques du calcul distribué, mais d'autres présentent des avancées concernant les projets de recherche. Ainsi, les chercheurs impliqués dans la thématique Help Fight Childhood Cancer ont pu grâce au WCG faire des millions de simulations de docking de composés chimiques avec le domaine de liaison BDNF du récepteur TrkB à la neurotrophine, dont l'expression est élevée dans les neuroblastomes (NB). La cytotoxicité des molécules les plus prometteuses a été testée sur des lignées cellulaires NB et sur des souris. Au final, 7 composés ont eu une action de supression de tumeur, sans apparemment provoquer d'effets secondaires chez les animaux (l'article ici). Plus récement a été publié un article sur une molécule inhibitrice de la protéase NS3 du virus de la dengue.
Comment participer ?
Rien de plus simple ! Il suffit de s'inscrire sur le site du World Community Grid, et de télécharger leur logiciel — disponible pour les plateformes Windows, GNU/Linux, Mac et Android. Une fois le programme lancé, on peut choisir les projets auxquels on veut participer, définir l'utilisation du processeur, de la mémoire, du réseau… Le WCG utilise BOINC (Berkeley Open Infrastructure for Network Computing), une plateforme de calcul distribué qui est elle-même un développement de SETI@home, le projet pionnier en ce qui concerne le calcul distribué. D'autres projets collaboratifs utilisent cette plateforme, dans les domaines de l'informatique, des mathématiques, de l'astronomie ou encore de la climatologie. Enfin, il est toujours possible de participer à Folding@home, l'un des premiers projets de calcul réparti, lancé en octobre 2000, qui s’intéressait déjà au repliement des protéines.
Selon les statistiques publiées par BOINC, il y aurait plus de 470000 utilisateurs du WCG, dont 67000 utilisateurs actifs (qui ont participé ces 30 derniers jours). Ces dernières années, on a pu observer un déclin du nombre d'utilisateurs actifs dans les projets BOINC. Selon le fondateur de la plateforme, plusieurs raisons seraient en cause : une couverture médiatique moindre, la transition vers une utilisation plus importante de plateformes mobiles (téléphone, tablette), ou encore la difficulté d'attirer un public varié. Pour rendre la participation aux projets plus attrayante, la solution serait de rendre l'utilisateur plus actif, à travers par exemple des jeux comme pour le projet FoldIt, ou de la compétition entre utilisateurs, avec des récompenses virtuelles à la clé.
Un grand merci à Waqueteu, Yoann M. et jsobel pour leur relecture.
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