La période des stages n'est pas loin et toi, jeune étudiant(e) bioinformaticien(ne) — futur(e) stagiaire, te demandes comment choisir parmi toutes ces annonces. Pas de panique, c'est tout à fait normal de se poser toute une ribambelle de questions, nous y sommes tous passés. La bonne nouvelle c'est que c'est ton jour de chance : les réponses se trouvent (normalement) dans ce billet.
À la recherche du stage : Motivation, mon amie
La première des choses à cocher dans ta checklist c'est la motivation. Si tu en es arrivé à ce stade c'est que tu as forcément un goût plus ou moins prononcé pour la bioinfo. Il va maintenant falloir le faire transparaître un peu plus que d'habitude, sans pour autant tomber dans l'excès ! La période des stages de 6 mois est une excellente occasion pour aller voir ailleurs.
N'hésite pas à viser l'international et les labos prestigieux. C'est une période où tu vas énormément apprendre et découvrir, faire ça dans des milieux connus et reconnus est un privilège non négligeable. Néanmoins, ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit : il est tout à fait possible de rester en France et de se retrouver dans une très bonne équipe ! Tout dépendra de tes envies, de tes contraintes, de l'opportunité et de ta soif de l'aventure.
Une fois le périmètre géographique posé à plat, il reste à chercher des points de chute pas trop loin de celui-ci. La SFBI, en plus de sa liste mail d'emploi que nous conseillons de suivre, propose un annuaire des laboratoires, mais vous pouvez aussi chercher sur un moteur de recherche, découvrir d'autres listes mail d'emploi autour de la bioinfo ou encore passer voir si sur le canal IRC #bioinfo-fr il n'y aurait pas quelqu'un en poste dans la région choisie de connecté. Un récent petit guide du débutant de l'IRC est d'ailleurs à découvrir ici.
Il ne faut pas forcément attendre qu'une équipe ouvre un poste pour postuler, allez‑y à l'audace. Une bonne candidature spontanée peut parfois faire tout son effet et débloquer la situation. Si tu en as déjà un, fais jouer ton réseau. C'est aussi un très bon moyen d'avoir des informations en avant-première sur un éventuel stage en préparation dans tel ou tel labo.
Tu auras sûrement à envoyer un certain nombre de CVs et de lettres de motivation, et c'est surtout là qu'il faudra être endurant(e). Ne perds pas la foi, il y a de plus en plus d'offres de stages chaque année et toutes ne trouvent pas preneur au final. Il y en aura donc forcément une pour toi. Ose répondre à une annonce même si tu ne coches pas toutes les cases, le recruteur s'en doute : c'est pour un stage, on ne te demande pas d'arriver affûté(e) sur tout car c'est avant tout un apprentissage. Sois honnête avec toi-même et avec eux : tu as des bases, des acquis, des choses en cours d'acquisition et un potentiel d'apprentissage très important !
Les conseils pour l'entretien se trouvent dans ce billet, l'idée principale reste la même : montrer que tu es motivé(e) et que tu ne postules pas car on t'a demandé de postuler ou encore parce que que tu dois trouver un stage pour compléter ton cursus…
Le Saint Graal en poche : l'arrivée
On y est, c'est le jour J : le premier jour dans ton équipe d'accueil. Pas de panique, la plupart de tes futurs collègues se réjouissent de ton arrivée. Le dynamisme d'un nouvel arrivant est toujours positif dans une équipe. Les premiers jours, ta mission sera d'être à l'écoute, de comprendre assez rapidement comment fonctionne l'équipe, d'avoir fait un peu de biblio sur leur(s) axe(s) de recherche et de faire comprendre que tu es là pour en apprendre un maximum.
Si tu as le choix, essaye de prendre un OS que tu maîtrises à peu près. De cette façon tu auras un environnement familier et une base sur laquelle te reposer. Si ce n'est pas le cas, prends-le comme une occasion d'ajouter une compétence à ton cursus et essaye d'identifier le/la gourou de votre équipe qui saura t'aider dans des situations périlleuses.
Petite cerise sur le gâteau : une arrivée c'est bien, une arrivée avec un gâteau pour la pause café, alors ça c'est merveilleux et tu marqueras des points dès les premiers instants. 🙂
La difficulté des premiers jours c'est surtout de se faire accepter sans tomber dans la familiarité, n'oublie quand même pas que tu as été choisi(e) pour une mission et que tes nouveaux collègues ne te connaissent pas encore comme tes actuels camarades de promo. Là dessus, c'est essentiellement du feeling, difficile d'établir un mode d'emploi.
Bibliographie, la première étape qui orientera l'intégralité de ton stage
La bibliographie est une étape à ne pas prendre à la légère mais qui est malheureusement bien trop souvent sous-estimée. Elle te guidera dans la suite de tes travaux et te permettra d'y voir clair tout au long de ton étude. L'état de l'art est essentiel, rien ne sert de réinventer la roue mais rien ne nous empêche pour autant d'assembler plusieurs choses existantes pour en créer de nouvelles. N'hésite pas à aller frapper aux portes de tes collègues pour savoir s'ils ont déjà des réservoirs d'articles d'intérêt, ils pourraient te faire gagner du temps et t'orienter sur ceux qui présentent à leurs yeux le plus d'intérêt.
Bon, ce n'est pas le tout de trouver et lire ces articles, il faudra également les lister à la fin de ton rapport de stage et les citer avec cohérence dans ta prose. Avant d'attaquer le paragraphe sur LaTeX pour votre rapport, sache qu'il existe Google Scholar qui te permettra d'exporter rapidement tes références au format BibTeX, gain de temps assuré !
Le rapport : 15 jours avant la fin du stage ou dès le début ?
Qui a vraiment cru que ce titre était une vraie question ?! On se met au rapport tout de suite, et ce n'est pas négociable. Tu me remercieras à la fin de ton stage, je te le promets.
Trêve de plaisanteries : comment qu'on commence ? Là, c'est un peu comme avec emacs et vim : il y a deux équipes, les MS Word/OpenOffice/LibreOffice et les vrais LaTeX. Tu l'auras compris, je suis de la team LaTeX.
Tu lutteras sûrement un peu au début, mais le temps que cela te fera gagner en mise en page au final et en style ne sera que du bénéf'. Et comme c'est ton jour de chance, on t'a concocté tout plein de billets sur la prise en main de LaTeX et ses petites spécificités (le premier document, les flottants, la mise en forme du texte et des paragraphes, les maths avec LaTeX, automatiser le traitements des CSV, dessiner des molécules avec LaTeX).
Chaque formation a ses requêtes concernant les patrons (templates) de rapport de stage, il te suffira de lire les règles imposées et de les appliquer. N'hésite pas, encore une fois, à solliciter tes gentils collègues pour relire tes parties de prose. Essaye de changer de victime collègue de temps en temps, histoire de ne pas les faire fuir trop vite. 🙂
Si tout se passe bien, normalement tu arriveras à peu près confiant(e) sur l'écriture du rapport dans le dernier mois du stage. Ça ne sera pas le cas de tes camarades de promo de la team "15 jours avant" et là, tu auras le droit de leur envoyer ce lien.
Et si on commençait à s'amuser ?
C'est bien beau tout ça, mais quand est-ce qu'on commence à jouer ? Eh bien maintenant que les bases sont posées et que tu as assimilé tout ça, c'est parti !
On ne va pas se le cacher : la bioinfo c'est (vraiment) vaste (mais vraiment). C'est pour cette raison qu'aucun stage ne ressemblera à un autre. On va donc essayer de partir sur les bases communes et ce que tu risques de rencontrer le plus dans la peau d'un(e) bioinformaticien(ne).
Les bonnes pratiques
Dès le début, même pour le plus petit des scripts il va falloir adopter les bonnes pratiques. Celles-ci même qui feront qu'on aura envie de travailler avec toi et de lire/éditer ton code. Voici une liste non exhaustive de bonnes pratiques à mettre dans sa boîte à outils, j'en oublie sûrement mais l'essentiel est d'essayer de maîtriser au moins celles-là :
- Ton code tu versionneras. Si tu es un fidèle du blog, ces deux articles sur git (ici et là) ne t'auront pas échappé. C'est le moment de mettre en pratique.
- Un IDE tu choisiras. Je ne ferai pas de recommandations particulières sur tel ou tel IDE, garde juste en tête qu'il est quand même impératif de coder via un IDE et des plugins adaptés au(x) langage(s). À titre indicatif, j'ai opté pour Atom que je personnalise au gré de mes besoins selon mes projets du moment.
- Dans un environnement virtuel tu te placeras. C'est en effet super pratique de ne pas "pourrir" son système pour un seul projet. L'idée est d'encapsuler vos projets dans des bulles hermétiques ou semi-hermétiques. Ainsi en un coup d’œil on pourra connaître les librairies exotiques nécessaires ou encore la version du langage désirée pour tel ou tel projet. Ça se fait énormément en python avec pipenv ou le combo pyenv + virtualenv par exemples, je ne suis pas expert mais je pense que ça doit exister pour les autres langages. On a par exemple déjà parlé de Packrat pour R
même si ce n'est pas un langage de programmation. Au pire, reporte-toi à ce petit bijou d'article sur la virtualisation ou encore celui-ci sur le déploiement d'un logiciel en bioinformatique. - La documentation au fur et à mesure tu écriras. C'est toujours une plaie d'arriver en fin de projet et d'avoir toute la doc à se taper d'un coup. Mon conseil : tout comme ton rapport, essaye de faire ça au fur et à mesure dès qu'une nouvelle fonctionnalité est implémentée. On parle ici des commentaires dans le code (qui pourront facilement être exportés en documentation développeur avec des outils semblables à Sphinx pour Python par exemple) mais aussi de la documentation utilisateur (s'il doit y en avoir une).
Si tu tombes bien, tu pourrais arriver dans une équipe qui utilise une forge logicielle, Redmine par exemple pour n'en citer qu'un. C'est un atout et un signe de bonne maîtrise des projets. En effet, vous pourrez faire cohabiter de nombreux outils d'aide à la gestion et au développement dans votre forge : Diagramme de GANTT, wiki, système de tickets et j'en passe.
Le code ne fait pas tout
Eh oui, ça serait trop facile sinon, tu ne trouves pas ? Il faudra avant tout comprendre ce qu'on attend de toi, la problématique globale et ce vers quoi cela pourrait découler. Ce n'est jamais évident de se projeter, mais il faut quand même faire l'exercice car c'est aussi ce qu'on voudra de toi.
Durant ton stage tu pourras également être amené à utiliser un cluster de calcul.
Cet article ne détaillera pas les principes d'utilisation d'un cluster en bioinfo. Pour découvrir cela il faudra aller jeter un œil sur ce très bon billet et celui-ci si tu veux d'ores et déjà aller un peu plus loin.
Par contre, tu utiliseras ton cluster pour exécuter des jobs. Ces jobs se contenteront de faire tourner tes scripts maison ou bien des logiciels exotiques.
Pour en arriver à cette étape il faudra alors être passé par la bibliographie et l'étude de l'art concernant les logiciels existants destinés aux tâches précises que tu auras à effectuer. Si tu as suivi les conseils de cet article, c'est normalement ok à cette étape. Mais pourquoi ne se contenter que du strict minimum ? Ce qui fera de toi un bon chasseur stagiaire (et qui sera fortement apprécié par tes collègues lors de tes présentations de résultats) c'est de bien faire comprendre que tu n'as pas pris tel ou tel logiciel au hasard, ou bien parce qu'il avait un nom sympa. En effet, il faudra t'être frotté à ce que l'on appelle communément en français un "banc d'essai", mais qui avouons-le est plus sympa à dire en anglais : un benchmark.
L'étape du benchmarking consiste à mettre en concurrence plusieurs logiciels ayant le même but final, dans des conditions identiques et de mesurer les écarts entres ces derniers lors de leurs exécutions pour sortir du lot celui ou ceux qui se débrouille(nt) le mieux (selon tes critères, qui varieront d'un benchmark à l'autre). Ces critères pourront vraiment changer du tout au tout : on pourra parler de différence de temps d'exécution, de types de fichiers en entrée/sortie, de qualité des résultats obtenus ou encore même de différence d'un même logiciel mais sur différents OS. Bref, à toi d'adapter cela en fonction de ce qu'il y a d'intéressant à en ressortir. Enfin, si tu as de la chance, tu pourras tomber directement sur le benchmark de l'outil dans sa publication scientifique par exemple, à prendre tout de même avec des pincettes car bizarrement l'effet du "mon outil est meilleur que les autres" revient assez souvent 😉 Il faudra aussi être attentif aux variables utilisées dans ce benchmark, cela ne traitera pas forcément les points que tu cherches à mettre en avant.
L'envie d'avoir envie
Avec tous ces petits tuyaux tu auras déjà pas mal de bases pour bien t'en sortir. Mais il reste tout de même le plus important : l'envie, la curiosité, la soif d'apprendre. Tu es en période de stage, on ne va pas se mentir : c'est souvent rémunéré une misère (surtout en France malheureusement) mais cela reste quand même une aventure unique à vivre. Il faut en profiter ! Après ça, l'évolution de ta carrière et de ta vie perso pourront faire que, plus ça ira, moins tu auras de temps pour essayer des nouvelles choses, apprendre sur des nouvelles thématiques, observer le travail de tes collègues… Tu l'auras donc compris j'espère : PROFITE de cette période !
Enfin arrivera le temps où ton stage se terminera. N'attends pas le dernier moment pour savoir ce que tu feras après. C'est une étape qui se prépare en amont. Ne te mets pas non plus des œillères du type "j'ai fait un stage dans l'analyse de données, je ferai donc ça toute ma vie" (ça marche aussi avec le développement, la phylogénie, les biostatistiques, etc). Écoute-toi et va là où tu penses t'amuser, c'est là le plus important. Et comprends une chose : à ce jour il y a plus d'offres d'emplois (en France et à l'étranger) que de personnes susceptibles de correspondre aux critères demandés.
C'est à toi de jouer maintenant, tu n'as plus d'excuses pour ne pas t'épanouir dans le merveilleux monde de la bioinfo !
Je tiens à remercier mes relecteurs sans qui cet article aurait été beaucoup plus lourd à lire : Nisaea, lroy et Lins`.
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